Après deux ou trois heures d'autoroute dont une partie longeait la côte, nous sommes arrivés à Matsuyama (en haut à gauche sur la carte).
C'est la plus grande ville de l'île avec un peu plus de 500 000 habitants.
Elle est importante sur le plan culturel avec le Dogo onsen, une source thermale utilisée depuis très longtemps. Elle possède également un très beau château. Enfin, c'est une ville très connue au niveau littéraire puisque un grand romancier et un des plus célèbres auteurs de "haiku" (une forme de poèmes) y ont résidé.
Mais d'abord, je voudrais évoquer un autre sujet spécifique à l'île de Shikoku.
Nous avons commencé notre visite de Matsuyama par le temple Ishite. C'est le temple n°51 dans le pélerinage des 88 temples de Shikoku.
De quoi s'agit-il ?
Le pélerinage de Shikoku suit les traces de Kôbô Daishi, un moine, fondateur d'une des écoles bouddhiques du Japon - l'école Shingon - qui aurait effectué ce voyage (légendaire ?) il y a quelques 1200 ans. Mais les croyants de toutes tendances peuvent le faire.
Ce pélerinage comprend 88 temples et il fait 1200 km. Il s'achève souvent au Mont Kôya (sur l'île principale, celle de Honshû) où Kôbô Daishi a terminé sa vie. Il faut entre un et deux mois pour terminer ce pélerinage si l'on est à pied. Cependant, de plus en plus de pélerins se contentent des temples principaux et font le reste du trajet en bus, en vélo ou en voiture. Il n'est pas nécessaire de suivre l'ordre des temples.
Les pélerins sont reconnaissables à leurs vêtements blancs, à leur chapeau conique et à leur bâton; malheureusement, nous n'en avons pas vu (cela dit, en hiver, je doute qu'il y en ait beaucoup qui tentent l'aventure).
A l'entrée du temple, plusieurs symboles nous rappellent qu'il s'agit bien d'un lieu sacré où passent des pélerins, notamment une paire de sandales en paille dans la porte Niô-mon qui date de 1318.
Un peu plus loin dans l'enceinte du temple, nous sommes tombés sur des marches qui s'enfonçaient dans la montagne et cette pancarte : (à droite, à côté du bonhomme), c'est le nom du 52ème temple le "Taisan-ji" à 10,5 km et le mot à gauche "henro dô" indique le chemin ("dô") à suivre pour les pélerins ("henro"). Vous allez me dire que même sans traduction, vous vous en doutiez...
Après la visite du temple, nous sommes allés déposer nos affaires dans notre "minshuku" (chambre d'hôte) située pas très loin du temple et, encore mieux, à une minute d'un des sites phares de la ville : le Dogo Onsen.
Mon copain a choisi cette pension pour une seule raison : l'eau utilisée pour le "furo" (bain) est la même que celle du Dogo Onsen. Bon, je suis encore novice par rapport à tout ce qui est culture du bain au Japon et je ne suis pas si attachée que ça à ce genre de détails; mais, pour mon copain, cela semblait être le comble du bonheur. Sur la façade de la pension, il y avait d'ailleurs une pancarte précisant cette information (photo à droite).
C'était une toute petite pension avec seulement quelques chambres et nous étions les seuls clients ce jour-là. Parfait, le bain n'était rien que pour nous !
Après le bain, le repas (beaucoup de poissons : en sashimi (cru), grillés, ...).
Avant le dîner, toutefois, nous avons fait un tour dans le quartier.
Comme toujours au Japon, le moderne et l'ancien se mélangent. Le splendide Dogo Onsen se trouve coincé entre une rue et des immeubles assez hideux. Cela dit, si vous faites abstraction des alentours, vous ne pouvez qu'être émerveillés par l'édifice.
Comme je l'ai déjà précisé, le Dogo onsen est l'une des plus anciennes et des plus célèbres sources thermales du Japon. Le bâtiment actuel du bain public est en bois sur trois niveaux construit en 1894. L'intérieur est un incroyable labyrinthe de couloirs, de petites pièces aux portes coulissantes, d'escaliers raides. De l'extérieur, on ne peut pas imaginer.
Il existe 4 sortes de prix.
Le rez-de-chaussée donne accès au bain public (hommes et femmes séparés), c'est le "kami no yu" (bain des dieux) à 400 yen (3,30 €) l'entrée
L'étage suivant permet d'accéder à d'autres bains (toujours séparés), plus petits et plus élégants, c'est le "tama no yu" (bain des esprits) avec quelques services en plus : prêt de "yukata" (sorte de kimono léger), on nous offre également des petits gâteaux et du thé
Si vous payez un peu plus, vous pouvez visiter l'ancienne partie réservée à la famille impériale, qui avait évidemment son propre bain.
Le dernier prix vous permet d'obtenir toutes ces options ainsi que le droit de vous reposer dans une des pièces privées en tatami du troisième étage.
Mon copain et moi avons testé le bain public basique (dans des pièces séparés puisque hommes et femmes ne partagent pas le même bain) le premier soir et la troisième option le lendemain matin.
C'est vrai que le rez-de-chaussée est très fréquenté. On oublie assez facilement la nudité (euh...en théorie) car personne ne fait attention à vous et grâce à la vapeur très dense. Il y avait beaucoup de vieilles femmes le soir où j'y étais. C'était un spectacle assez fascinant. En effet, beaucoup d'entre elles faisaient en fait de véritables ablutions. Elles s'aspergeaient d'eau sur plusieurs parties du corps comme s'il s'agissait d'un rituel. J'en ai même vu boire l'eau qui sortait de la fontaine (déjà que j'ai du mal à y plonger un orteil tellement elle est chaude, je me demande comment elles font pour en avaler ne serait-ce qu'une goutte !).
(c'est le bain des hommes, seule photo que j'ai pu trouver sur internet)
Le lendemain matin, il n'y avait qu'une femme dans le bain au deuxième étage lorsque j'y suis allée; donc c'est un peu plus cher mais un peu plus tranquille (disons plus facile pour la gestion de la nudité qui continue à me gêner quand même).
En plus, comme je suis une occidentale, j'ai toujours peur que les Japonaises craignent que je ne connaisse pas les règles du onsen; du coup, je passe toujours beaucoup plus de temps qu'elles à me laver pour leur montrer (même si elles ne me regardent pas, en fait) que je suis bien propre avant de plonger dans le bain.
Encore une chose qui m'embarrasse, dès que je sors du bain, je suis rouge comme une écrevisse (je vous assure que l'eau est bouillante !) alors que les Japonaises gardent leur teint frais...
Sur les deux photos ci-dessous, voici la partie qui était réservée à la famille impériale (on l'a vue de l'intérieur mais interdiction de prendre des photos : en réalité, c'est bien dans l'esprit japonais - dépouillement et simplicité; cela ressemblait à des pièces normales à peine un peu plus luxueuses). La famille impériale avait quand même sa propre entrée (photo à gauche) et un petit jardin (photo à droite).
Le Dogo Onsen, la nuit tombée.
Le lendemain, après notre bain au Dogo Onsen et notre petit-déjeuner, nous nous sommes rendus au musée consacré au poète Masaoka Shiki (1867-1902), qui est né et a vécu à Matsuyama. Il a passé sa vie à moderniser les anciennes formes de poésie japonaise. C'est à lui que l'on doit les "haïku" tels que nous les connaissons aujourd'hui - tercet de trois vers de 5,7 et 5 syllabes.
On dit d'ailleurs qu'il est "le père du haïku moderne".
L'autre écrivain important de la ville est Natsume Sôseki (1887-1916), romancier et ami de Shiki. Il est surtout connu pour son roman "Botchan" qui se passe à Matsuyama. Dans cette histoire, on suit la vie d'un jeune professeur qui arrive à Matsuyama à une époque où le Japon connaît de profondes réformes.
La ville célèbre le roman de différentes façons en ayant conservé, par exemple, l'ancienne gare de cette époque. Un petit train - ou plutôt un wagon -, le "Botchan", est en service et permet de se rendre dans le centre-ville.
Près de la gare, on peut voir aussi une horloge qui met en scène toutes les heures le roman "Botchan" avec de petits personnages mécaniques.
Vous pouvez également goûter aux sucreries, les "Botchan Dango".
Comme vous le voyez, tout une activité touristique s'est développée sur ce thème.
Dernière visite à Matsuyama : son château.
Jolie promenade car le château, achevé en 1627, a été édifié sur une colline de 132 mètres. C'est l'un des rares châteaux japonais a avoir été préservé dans son état d'origine bien que certaines parties aient été reconstruites au 19ème siècle.
Ce château appartenait au clan Matsudaira (dont j'ai parlé dans mon article sur Takamatsu) et il l'est resté jusqu'à la fin de l'époque d'Edo.
Le donjon de trois étages a été bâti en 1820 après que le précédent de cinq étages a été détruit par la foudre.
Du donjon, on peut jouir d'une vue panoramique sur la ville et la Mer Intérieure.
Ce château est un bel exemple de l'architecture féodale du Japon. Et c'est vraiment une belle promenade pour y accéder si vous choisissez d'y monter à pied. Les remparts sont impressionnants, on traverse plusieurs cours et portes avant d'accéder à la partie principale qui permet d'avoir un bel aperçu sur les alentours.
J'ai adoré Matsuyama : j'avais lu "Botchan" il y a longtemps, mais cela m'a donné envie de le relire; j'ai beaucoup aimé le château et, enfin, le Dogo Onsen est magnifique. Bon, évidemment, si vous êtes réticents à l'idée de pénétrer dans un bain public, vous manquerez l'intérieur qui vaut le coup d'oeil.
J'ai l'impression d'être un disque rayé à dire tout le temps "j'adore", mais sincèrement, je trouve tout très beau, très bon et très intéressant ! Et le meilleur reste à venir ! Quel teaser...
Oh, et j'ai oublié une chose !
Comme quoi, même au bout du monde, on est rattrapé par son passé...lol