J'ai visité la Thailande, le Laos, le Cambodge, le Vietnam, la Corée, le Japon et je vis en Chine. Je peux donc estimer que l'Asie ne m'est pas totalement inconnue. Or, les Philippines m'ont surprise à trois niveaux.
Premier point, la sécurité. En réalité, tout s'est bien passé. Certes, j'ai trouvé Manille très différente des autres lieux que nous avons vus. J'ai été déroutée par le nombre de gens qui vivent dans la rue, la pauvreté et la saleté alors que la campagne est plus propre que celle en Chine. En plus, beaucoup de rues ne sont pas éclairées ou vraiment légèrement, donc on ne se sent pas très à l'aise. Nous avons été abordés par quelques mendiants, parfois des enfants; mais pas très insistants. Nous nous méfions quand même et gardions nos distances et un oeil attentif sur nos sacs. Mais, sincèrement, aucun problème.
Pour autant, l'insécurité est une réalité. Dès l'arrivée à l'aéroport de Manille, on sent que les choses sont un peu différentes. Il faut montrer patte blanche pour pouvoir franchir les portes. Autrement dit, avant de pénétrer dans le bâtiment, on doit déjà présenter une copie de son ticket (heureusement, pour une fois je l'avais imprimé; d'habitude avec les e-tickets, je ne m'embarrasse pas de cette démarche). Ensuite, les bagages sont passés aux rayons X alors même que l'on devra refaire cette étape plus tard après le passage des douanes comme c'est l'usage.
Pour mesurer le degré d'insécurité, il suffit d'observer le nombre incroyable de policiers armés jusqu'aux dents à chaque coin de rue de Manille. D'autre part, on doit tous ouvrir notre sac à l'entrée du métro. Cependant, la fouille est sommaire et j'aurais pu facilement cacher un pistolet sous mon guide de voyage. De même, à l'entrée de chaque centre commercial, un garde jette un oeil dans votre sac. Dans beaucoup de magasins, on voit souvent un garde qui surveille. Dans les grands hôtels, à l'entrée des terminaux à l'aéroport, j'ai également remarqué que la police utilisait un miroir d'inspection pour contrôler sous les voitures. Dans les stations services, des gardes armés surveillent les lieux. Sur l'île de Palawan, le premier jour de notre arrivée, notre chauffeur s'est arrêté pour faire le plein sous les yeux d'un garde qui portait une arme impressionnante genre kalachnikov (bon, je n'y connais rien en armes; mais je doute que ce fut un jouet...).
Il me semble que c'est la première fois de ma vie que j'ai vu autant d'hommes armés. Vigipirate à Paris à côté, c'est la cour de récré...
Sympa l'ambiance, donc... Il faut dire que les ventes d'armes à feu ne sont pas vraiment régulées (même si les chiffres sont incomparables par rapport aux Etats-Unis, la criminalité est un véritable problème aux Philippines). En outre, le pays est victime d'actes terroristes (en particulier de groupes islamistes qui sévissent surtout dans certaines îles).
Sur l'île de Palawan, nous sommes passés par deux check-points entre Puerto Princesa et Sabang. En fait, rien de très impressionnant. Il s'agissait de simples petites barrières en bois (pas de barbelés, rien de ce genre) qui ne prenaient pas la moitié de la route. Il n'y avait même pas de garde à côté. Je crois bien qu'ils étaient dans la cabane à côté en train de jouer aux cartes ! Bref, le chauffeur a à peine ralenti.
Cela dit, comme je l'ai précisé, nous ne nous sommes jamais sentis menacés ou en danger. Et j'insiste sur le fait que les mesures de sécurité draconiennes sont principalement visibles à Manille. Pendant le reste de notre voyage, nous avons vraiment été tranquilles. C'est un peu comme si nous avions visité deux pays différents....
Dernière précision concernant cette fois la sécurité des femmes. Rien à signaler dans l'ensemble sauf à Manille dans le métro. Je ne sais pas si c'est toujours le cas ou juste aux heures de pointe, mais j'ai remarqué que les deux premiers wagons sont réservés uniquement aux femmes. En fait, je trouve que c'est une très bonne idée. Au Japon aussi, il existe la même mesure. L'Ile-de-France devrait mettre en place ce genre de chose également avec les nombreux viols et tous les pervers qui courent les rues. Je trouve que la région parisienne en a autant besoin voire plus que Tokyo ou Manille.
Cette séparation homme-femme me rappelle que dans l'aéroport à Manille, le contrôle des bagages à main est organisé en deux files : une pour les femmes qui se font fouiller par des femmes si besoin, une pour les hommes contrôlés par des hommes.
Mis à part la sécurité qui recquiert des dispositifs assez exigeants à Manille, la deuxième chose qui m'a interpellée, c'est le catholicisme et son influence dans la vie quotidienne.
Alors que nous revenions de l'île de Palawan à Manille pour reprendre un avion pour aller dans le nord de l'île de Luzon, nous avons traversé le hall du terminal 2 pour rejoindre les comptoirs d'enregistrement des bagages. Or, en plein milieu du hall où des gens qui circulaient dans tous les sens, une messe était célébrée. Nous étions dimanche et je suppose que les voyageurs ou le personnel qui travaillait ce jour-là avaient le droit à leur messe comme tout le monde. Si tu ne viens pas à Dieu, c'est Dieu qui viendra à toi... J'ai vu des salles de prière dans l'aéroport de Kuala Lumpur et Dubai, mais je n'avais encore jamais vu de prière en public et encore moins une messe ! Les Espagnols ont fait du "bon boulot" (c'est ironique, bien sûr) lorsqu'ils ont christianisé le pays : les Philippins sont bien plus croyants que nous qui avons pourtant connu le christianisme depuis plus longtemps...
Comme chez nous, tout est fermé le dimanche ! Moi qui suis habituée aux week-ends animés en Chine, j'ai eu un choc ! A Puerto Princesa, plusieurs restaurants, magasins et mêmes sites touristiques étaient fermés ce jour-là. J'ai ruminé longtemps avant de faire le lien entre le dimanche et le fermeture des boutiques. Choc culturel, je vous dis !
D'autre part, on voit des images pieuses ou des "God bless our trip" dans presque tous les bus et autres moyens de transport.
Dans les églises, j'ai vu pas mal de gens prier agenouillés.
C'est assez incroyable. Je pense que ceux qui ont voyagé en Amérique du Sud ont été témoins du même genre de scènes. Cette intensité dans la foi est aussi exotique d'une certaine façon.
Troisième et dernier point sur ce qui fait la différence entre les Philippines et les autres pays asiatiques : l'emploi de "Sir" et "Madam" à chaque fin de phrase.
J'ai détesté. Positivement détesté. J'ai eu l'impression d'être retournée au 18ème siècle ! Dans un restaurant, on va vous dire: "Would you like to order, Sir ? " "What would you like to drink, Sir ?" "Thank you, Sir"... C'est vraiment à ce point, je n'exagère pas : c'est ainsi pour toutes les questions et les réponses !! Je ne sais pas qui a mis en place ces formules de politesse - factices, de toute façon. Même quand des touristes se sont pris la tête avec l'une des employées du bureau des permis d'accès à la rivière souterraine à Sabang, elle continuait à leur donner du "Sir" et du "Madam" alors qu'elle ne souriait pas du tout et qu'elle était vraiment froide. J'ai essayé de voir si les Philippins utlisent ces termes mais la plupart parlent filipino entre eux, donc... Par contre, quand ils s'adressent parfois en anglais à leurs compatriotes, il m'est arrivé d'entendre des "Sir" et des "Madam". Ils ont donc intégré ces deux mots semble-t-til. Est-ce un héritage américain ou espagnol ? En tout cas, c'est pénible. Même s'ils ont l'air de le dire très naturellement, à chaque fois, j'ai l'impression de faire un bond dans le passé et de me retrouver dans une maison coloniale entourée d'esclaves...